Les Halles – La vie sous les Halles

foire du moyen âge

La principale fonction des halles était évidemment d’ abriter marchands et marchandises lors des grandes foires et des marchés qui drainaient toute la population des environs.

L’existence d’au moins une foire – celle de la Saint Rémy – était attestée dès 1274.

En 1449, les documents en signalent trois; outre celle du jour “de feste Sainct Remy “(1er octobre), deux autres ont lieu le premier de mai et à la “feste Sainct Jean- Baptiste”, (25 juin).

Au XVIe siècle et jusqu’ au début du XIXe siècle, il y en aura quatre:

“Il y a quatre foires l’ année à Vézelise, l’une le lendemain de la fesse Sainct Vincent ( 22 janvier ), l’ autre le 2e de may, une le lendemain feste Sainct Jean-Baptiste, la quatrième le jour de feste Sainct Rémy “.

Selon que la foire tombait un dimanche ou un jour chômé, les dates pouvaient plus ou moins varier.

Dès 1820, deux nouvelles foires s’ ajoutent à la première liste, immuable depuis trois siècles : l’une le 1er mercredi de carême, l’autre le 30 novembre, fête de la Saint André qui, avec celle de la Saint Vincent; sont les deux seules qui se sont perpétuées jusqu’ à nos jours.

Quant aux marchés hebdomadaires, ils avaient lieu le samedi; ils furent même bi-hebdomadaires au siècle dernier.

Représentation d'une foire médievale

Ces foires attiraient une foule de marchands et d’acheteurs et l’on a peine, de nos jours, à imaginer l’effervescence que devaient provoquer à Vézelise ces manifestations.

Pour en avoir une idée, nous pouvons citer un document datant de 1593 – en cette fin du XVIe siècle, Vézelise allait atteindre son apogée tant au point de vue économique que démographique – il s’agit de la “liste des particuliers vendant marchandises esdit lieu comme aussy qui tiennent place et estaugs sous les halles de Vézelise”.

Y exerçaient donc:

  • 15 boulangers de Vézelise
  • 11 “boulangers forains vendant pain sur charrettes sous les halles par jour de foires et sarnedy jour de marchez”, ces boulangers de l’extérieur venaient de SELAINCOURT, FORCELLES-SOUS-GUGNEY, GUGNEY, HOUSSEV1LLE, FAVIERES, XIROCOURT, SOUVERAINCOURT, DOLCOURT, VANDELEVILLE, SAINT-FIRMIN, DIARVILLE.
  • 13 bouchers (tous de VEZELISE)
  • 28 drapiers (tous de VEZELISE)
  • 8 chaussetiers dont 6 de VEZELISE, les deux autres de SAULXEROTTE et de BARISEY-AU-PLMN
  • 14 “lingières vendantes toilles blanches et besongnant de lingerie” dont 3 de VEZELISE, 2 de CHARMES, 2 de MIRECOURT, 2 de CHATEL-SUR-MOSELLE, 3 d’EPINAL et 2 de BAYON
  • 27 “achepteurs de linceux de toilles, crevés et filets comme aussi/ de chanvre” dont 8 de HARMONVILLE, 1 de GRIMONVILLER, 3 d’AOUZE, 5 de GEMONVILLE, 2 de VANDELEVILLE, de VICHEREY, 1 de BATTIGNY, 1 de SOUVERAINCOURT, 1 de FECOCOURT, 2 de MIRECOURT, 1 de PUNEROT et I de GERMINY
  • 15 merciers dont 14 de VEZELISE et 1 de THELOD. Le terme de mercier était alors moins restrictif que ce que l’on entend actuellement par cette appellation. Les statuts donnés aux maîtres et compagnons de VEZELISE par le Duc Henry II en 1624 nous font découvrir l’infinie variété des articles objet de ce commerce. L’ énumération ne manque pas de pittoresque: “mercerie mélée comme or et argent, drap d’or et d’argent, drap de soie, camelot, serges, demi ostades, camelots de chêvre, rubans de laine et de soie, passements de soie, tous ouvrages de coton, maroquins et cuirs de Flandres, fer, acier, plomb, étain, cuivre, épiceries et sucres, riz mélasse, papier, parchemins, vieux drapeaux, cartes et dés, cire, poix noire et blanche, alun et vert de gris, couperose, garance en balle, soufre, poudre d’arquebuse et quincaillerie, bougies, tapisseries de soie et de haine, huile d’ olive, figues, raisins, amandes, pruneaux, oranges, tous poissons de mer qui se vendent à balances, cordons, cordons bigarés pour mettre aux chapeaux, bonneterie, étain qui se plie en papier”.
  • 8 chapeliers de VEZELISE
  • 3 pelletiers de VEZELISE
  • 40 cordonniers “vendant et tenant estaux sous les halles tant résident audit VEZELISE (ils sont 27) que forains” (ils sont 13) dont 5 de PULLIGNY, 2 de CHAOUILLEY, I. de SAXON, 1 de XIROCOURT, 1 de VANDELEVILLE, 1 de VAUDEMONT et 2 de provenance non citée
  • 13 tanneurs dont 7 de VEZELISE et 1. de CHAOUILLEY, 1 de VANDELEVILLE , 2 de PULLIGNY, 1 de BATTIGNY, I de CHARMES. Notons cependant que 26 tanneries sont recensées à VEZELISE, cette même année, comme payant 3 gros par an pour usage de l’eau du Brénon et de l’Uvry.
  • 3 bourreliers de VEZELISE
  • 4 cordiers: 2 de PULLIGNY, 1 d’ ACRAIGNES (Frolois) et d’ OGNEVILLE
  • 3 orfèvres tous de VEZELISE ( Jean PIAN, Maître PIERRE et Didier de TOUL)
  • 3 potiers d’ étain, tous de VEZELISE
  • 6 potiers de terre dont 3 de BATTIGNY, 1 de GELAUCOURT, seulement 1 de FAVIERES et le dernier de provenance illisible
  • 8 sauniers dont 3 de VEZELISE, 1 de CEINTREY, 3 de HOUSSEVILLE, 1 de HAPLEMONT
  • 10 vendeurs de suif et chandelles dont 6 de VEZELISE (toutes des femmes) et 4 de CHATEL-SUR-MOSELLE (2 femmes et 2 hommes)
  • 7 huiliers dont 3 de VEZELISE, 1 de PULLIGNY, 1 de PIERREVILLE, 1 de PRAYE et le dernier de provenance inconnue
  • 17 maréchaux, cloutiers et quincaillers dont 13 de VEZELISE, 2 de SELAINCOURT et 2 de FAVIERES
  • 6 rouyers, charpentiers, menuisiers, tous de VEZELISELe rôle se termine par la liste de simples particuliers “comme laboureurs, charretiers et manouvriers” qui vendent leur production tant au lieu de leur résidence qu’aux marchés et foires de Vézelise.Pour la ville de VEZELISE, ils sont 28 auxquels s’ ajoutent 2 du moulin de Presles. Pour les villages du domaine: 6 de VAUDEMONT, 16 de CLEREY, 20 de PAREY-SAINT-CESAR, HOUDREVILLE (nombre non précisé) , 10 de HAMMEVILLE, 21 d’OGNEVILLE, 31 de VITREY, 13 de BATTIGNY, 13 de GELAUCOURT, 38 de THOREY, 9 de GUGNEY, 11 de FORCELLES-SOUS-GUGNEY, PRAYE et GOVELLER (nombre non précisé), 10 de SOUVERAINCOURT, 21 de VELLE, 10 de PUXE, I de EULMONT-DOMMARIE.Pour les villages fiefs: 24 de FORCELLES-SAINT-GERGONNE, 6 de VRONCOURT, 21 d’HOUSSEVILLE, 10 de DIARVILLE, 20 de SAINT-FIRMIN, 1 de COURCELLES, 5 de VANDELEVILLE, 6 de THEY„ 20 de TANTONVILLE, 5 d’OMELMONT, 4 de QUEVILLONCOURT, I de THELOD.Pour les villes et villages hors du comté: 8 de HOUDELMONT, 1 de SAINT NICOLAS, 3 de PONT-SAINT-VINCENT, 2 de GERMINY, 1 de CHARMES, 4 de MIRECOURT, I de VILLE-SUR-MADON, 3 de HAROUE, 12 de XIROCOURT, 4 de GERBECOURT, 3 de HAPLEMONT, le dernier de PULLIGNY.La liste est longue et assez impressionnante.

Ces foires n’ attiraient pas que la clientèle locale, elles faisaient venir aussi des revendeurs d’origine plus lointaine et toutes sortes de monnaies européennes passaient entre les mains.

Ainsi, en 1576, à la foire de Saint Jean Baptiste, ce marchand de METZ qui, contrevenant à l’édit ducal sur les cours des espèces d’ or et d’ argent, avait été dénoncé pour avoir réglé son achat à un autre marchand venu de SORCY au moyen d’ un ducat de Hongrie, deux testons de France et un double ducat de Castille.

Epée et fourreau

Les jours de foire, la garde des portes de la ville était renforcée. Par exemple, en 1450, en plus des gardiens titulaires permanents, 8 hommes gardent les portes à la Saint Rémy, 5 hommes le 1er mai et 8 hommes à la Saint Jean Baptiste.

La rétribution que ces gardiens occasionnels perçoivent s’ appelle “le pain des foires”. La “police” était sur les dents et la justice avait fort à faire; les disputes et les bagarres étaient nombreuses (surtout à la foire de mai – le printemps devait exciter les humeurs…) et l’on ne comptait plus les coupeurs de bourses.

“En 1564 fut payé à Bernard de Fraye 2 frs pour avoir fustigé “sub la custodia” Adam Rollin d’ Essegney qui avait coupé une bourse en la halle de Vézelise par jour de marché.”

“En 1593-A Claudin Jeandel maçon dudit Vézelise, pour avoir bouché un trou dans les prisons faict en icelles par un nommé Nicolas Aulbry de Bralleville proche Chastenoy, par lequel il espérait sortir – ce qu’ il ne fit – pour avoir coupé une bourse à la foire de may de Vézelise.”

On tentait enfin d’éviter la maraude; en 1604, deux hommes gardent les vignes le four de la foire de la Saint Rémy.

Il fallait par ailleurs empêcher les échanges de marchandises avant qu’elles ne soient visitées par le fermier des ventes en vue de prélever sa taxe en argent ou en nature.

À cet effet, en 1570, on fit dépense de 13 gros et demi “payés à Maître Jacques Hanus et Abraham Reynette pour avoir fait, taillé et fourni et empli en fer blanc deux panonceaux des armoiries du comté de Vaudémont pour mettre aux deux bouts de la halle, pour servir de défense et inhibition de n’acheter grains ni victuailles que lesdits panneaux ne soient levés “.

Les marchandises qui étaient taxées en nature devaient passer par la “caphouse” local reconstruit à plusieurs reprises, établi d’ abord sous les halles puis sous l’auditoire, où l’on rangeait les mesures qui servaient en particulier au prélèvement des grains (le droit de copel ou coupel, du nom du récipient qui servait au prélèvement).

En 1591, “François le fondeur fournit quatre coppels d’étain de chacun une pinte pour prendre ledit coppel de grains qui se vendent à Vézelise”.

En 1571, par exemple, la taxation était la suivante:

“Tous et chacun étant du comté de Vauclémont veulent vendre grains aux halles de Vézelise, soit blé, orge, avoine, pois, chenevaux, lentilles, etc, doivent de chacun bichet le coppel qui porte une pinte. Tous ceux qui veulent vendre huile et millot doit 4 pinte de 1 chopine tous les trois ans.”

“Chaque saulnier vendant sel doit 3 deniers pour le marché du samedi et une mesure de sel et 6 deniers par jour de foire, moyennant quoi le ventier (celui qui perçoit les droits) leur doit une tarte de 12 gros.

“Tous les marchands tenant étaux et vendant marchandises aux halles de Vézelise et dehors doivent un liard de 3 deniers chaque samedi et 10 deniers aux jours de foire, etc.”

Chaque sorte de marchandise est ainsi énumérée suivie de la taxation correspondante.

Un corps de métier qui avait plus particulièrement à faire sous les halles était celui des bouchers – il y en avait donc 13 à Vézelise à la fin du XVIe siècle – en effet, les animaux destinés à la boucherie étaient abattus sous les halles mêmes ce qui, comme on peut le supposer, n’ était pas sans causer des nuisances…

 

Les règlements donnés aux compagnons bouchers de Vézelise par le duc René II en 1502 mentionnaient cette habitude et prescrivaient déjà, si l’on peut dire, certaines règles d’ hygiène: “nulz desdictz compaignons ne doivent saingner aucune beste…dessoubz la halle qu’il n’ y ait ung vaxel (récipient) dessoubz pour recueillir le sang, sur l’amende de 5 sols.”

Prescription semblable était faite à ceux qui n’ étaient pas du métier mais qui pouvaient cependant “aux jours de foire, marchez et aultres jours…tant pour leur deffruict comme pour leurs tavernes ou pour nopces, confrairies ou aultres choses… tuer chair en la halle où gist la boucherie mais hors du rand des bouchiers… et nectoyeront le lieu où que lesdites chairs seront tuées et y mectront dessoubz un vaxel pour recueillir le sang comme font lesdits bouchiers…”

Il faudra attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que cette pratique soit source d’ inquiétude et préoccupe plus sérieusement les habitants.

Le 28 août 1742, le conseil de la ville décide de construire un abattoir public “parce que jusqu’à présent, on tue sous les halles, ce qui infecte la ville et peut causer des épidémies.”

En 1743, les conseillers adressent une supplique au Chancelier M. de la Galaizière, pour qu’il autorise cette construction “pour la raison que jusqu’à présent on abat les animaux sous les halles, ce qui répand une mauvaise odeur, cause des maladies et gêne les marchés qui se tiennent sous les mêmes halles ainsi que les troupes qui y font étape.”

Le 11 juin 1744, une nouvelle demande est adressée à l’Intendant pour autoriser l’établissement de l’ abattoir. La requête insiste encore sur le fait que l’odeur du sang empeste tout le quartier et a causé, de l’avis des médecins, la dernière épidémie”.

L’ autorisation est enfin accordée et l’on procède à l’adjudication des travaux la même année 1744. L’ abattoir devait être aménagé dans une partie de la porterie du château (emplacement de l’ancien lavoir, à côté du pont sur le Brénon).

Halles de Vézelise

Comme cité plus haut, l’ abri constitué par les halles avait une autre utilité: les troupes de passage y faisaient étape. On ne peut compter, tant ils furent nombreux, les régiments de passage à Vézelise au XVIIe et au XVIIIe siècle et lorsque, par hasard, régiment ou compagnie arrivait un jour de foire ou de marché, on peut imaginer la confusion extrême que cela devait créer.

En 1782, la ville ayant été avisée de la venue pour le 1er octobre de “Bourgogne Cavalerie” ose prier l’Intendant de retarder l’ arrivée de ce régiment “une foire importante se tenant ce jour là”.

Compte tenu de cette importante fréquentation militaire, un corps de garde fut construit sous P Hôtel de Ville en 1754.

Enfin, en dehors de ces rassemblements périodiques, les halles ont, de tout temps, servi de promenoir. Lieu de rendez-vous, les bourgeois s’ y retrouvaient pour discuter, les plus jeunes pour y jouer ou y faire du chahut.

En 1736, “des jeunes gens faisant continuellement du tapage la nuit sous les halles, la ville décide de porter l’amende pour ce délit à 25 frs, plus trois jours de prison au pain et à l’eau.”

Ou en 1752, “il est fait défense aux garçons de se réunir la nuit sous les halles pour y faire du bruit, arrêter et insulter les gens, à peine de prison et de 25 frs d’ amende.”

Il semble que cette habitude qu’avaient les jeunes de l’époque d’insulter les gens était tenace car à nouveau, en 1792, les registres des délibérations de la ville mentionnent: “comme des vieillards sont constamment insultés dans les rues, contre les lois naturelle et divine… défense de le faire à peine de 25 frs d’amende la première fois, 50 frs la deuxième et de prison la troisième.”

Jadis véritable forum du Comté, où battait le cœur du Saintois, dans une atmosphère haute en couleurs et forte en odeurs variées…nos vieilles halles se sont peu à peu assoupies.