les Halles – Les grandes réalisations du XVIIIè siècle

Jusqu’alors, les bourgeois de Vézelise n’avaient point d’hôtel de ville. On louait à cet effet des locaux divers, appartenant à des particuliers, et il fallait déménager à chaque échéance ou non renouvellement du bail.

 

Par exemple, le 22 mars 1717, la ville louait pour trois ans “la grande salle et la petite chambre à côté qui servent d’hôtel de ville dans ta maison du Sr Pont, Conseiller à la Cour Souveraine, située sur la place de la Pomme d’ Or” (la place actuelle de l’Hôtel de Ville).

Cette situation inconfortable ne manquait pas d’inconvénients et le 3 décembre 1734 “les officiers, bourgeois et communauté de Vézelise” adressèrent une requête à “Son Altesse Royale Madame Régente” (Élisabeth Charlotte d’ Orléans, veuve du duc Léopold), “disant qu’ ils n’ont point d’hôtel de ville pour l’assemblée, pour recevoir l’état-major lors des passages des troupes et pour y tenir en sûreté les titres et les papiers de la ville. Il faut que chaque année on prenne des locations en trois chambres dans lesquelles il faut transporter de temps à autres lesdits papiers et y faire toujours des nouveaux ajustements, ce qui coûte infiniment. C’est pourquoi l’on a déterminé, en assemblée communale, que l’on ferait venir le Sr Gentillatre pour reconnaître où l’on pourrait emplacer un hôtel de ville.”

” Le Sieur Gentillatre s’étant rendu sur les lieux, il a estimé qu’on ne pouvait emplacer ledit hôtel de ville qu’ à l’extrémité des halles et à l’orient du côté de la place, pour y faire symétrie avec le bailliage qui est à l’autre bout, sans causer aucun obstacle.”

” C’est pourquoi, comme les suppliants ne sauraient et n’oseraient rien commencer sans l’autorisation de Son Altesse Royale et que lorsqu’ ils seront assurés d’avoir les bois nécessaires à la construction…”

Les pétitionnaires précisaient pour terminer “que cet hôtel de ville sera un ornement sur ladite place outre les intérêts et commodités qu’on en tirera.”

La réponse ne se fit pas attendre et le 23 décembre suivant, de Lunéville, la duchesse autorisait la construction et en ce qui concerne les bois demandés, ordonnait qu’un devis des quantités nécessaires au bâtiment soit présenté au Grand Gruyer pour que celui-ci reconnaisse combien on pourrait en prendre dans les bois communaux.


Le 27 mars 1735, la duchesse autorisait la délivrance de 30 arbres chênes à prendre dans les bois communaux et de 40 autres chênes à prendre dans ses forêts domaniales “du prix desquels sadite Altesse Royale fait remise, à charge d’en justifier l’emploi six mois après”.

Entre temps, les plans avaient été dressés par l’architecte Claude Thomas Gentillâtre qui reçut pour cela la somme de 303 frs.

Pas plus que Nicolas LA HIERE, GENTILLATRE n’ est un inconnu. Il travailla pour le duc Léopold et pour le roi Sanislas entre autres à la construction des bâtiments de la Place Royale de Nancy. On lui doit aussi le grand escalier de la Chartreuse de Bosserville.

Le cahier des charges préparé, après que l’on eût fait afficher l’appel d’offres “dans toutes les villes de Lorraine “, on procéda à l’adjudication le 3 février 1735. Ce sont les frères François, Jean et Charles Camp ou Can, entrepreneurs à Forcelles-sous-Gugney qui emportèrent le marché, lequel stipulait que les travaux devaient être achevés pour le 1 er octobre 1735.

Le 18 mars on demandait enfin à la duchesse l’autorisation de prendre 7 à 8 pieds des greniers publics situés au dessus des halles “pour l’hôtel de ville qu’il faut avancer jusqu’au premier pilier” (de bois des halles), ce qui fut accordé le 29 mars. Nous voyons encore actuellement un pilier des halles émergeant du massif de maçonnerie de la montée d’ escalier de hôtel de ville.

Au XVIIe siècle, la Haute Maison séparait encore les halles de la place et s’élevait, par conséquent, à l’emplacement où l’on devait maintenant bâtir l’hôtel de ville. Le 29 août 1673, la ville l’avait rachetée pour la faire démolir car elle tombait en ruine.

On pouvait donc commencer et, le 19 avril, en grande cérémonie, le Comte de Gournay, seigneur d’Etreval, bailli du comté, posait dans les fondations de l’angle nord la première pierre de l’édifice qui portait l’inscription suivante:  J’ay été posée par M. Ignace comte de Gournay, Grand Bailly du Comté de Vaudémont, le 19 avril 1735″

L’ essentiel de la construction était terminé en 1736, date qui figure encore sur le balcon qui domine la place.

L’ ensemble coûta 12.271 frs à la ville.

L’ “entreprise” Can n’ ayant point parachevé le travail comme convenu, assurant qu’elle avait perdu de l’ argent, la ville lui intenta un procès devant le Conseil Royal des Finances. Le Sr Gennesson, entrepreneur choisi comme expert, prouva qu’au prix de l’adjudication, Can avait dû encore percevoir un gain raisonnable “tant sur les charrois que la maçonnerie mais que ce bénéfice fut dissipé en folles dépenses”.

Toujours est-il que le 6 novembre 1738, le Conseil de Ville et l’entrepreneur, assistés d’Antoine Cœur d’Acier expert, procédaient à la réception des travaux.

Dès 1761, on projeta de reconstruire l’auditoire. Pourtant le bâtiment n’avait pas plus de 160 ans et devait être encore bien solide. Ce n’ était pas pour l’agrandir car, au contraire, on en réduisit les dimensions: d’un plan rectangulaire de 60 pieds de long sur 46 de large, il devait passer à un plan carré de 46 pieds de côtés.

 

Est-ce pour ouvrir le rez-de-chaussée plus largement à 1′ air, à la lumière et au passage du public? En effet, les quatre arcades de l’ancien bâtiment ne devaient pas éclairer ni permettre d’ aérer beaucoup les boutiques construites en dessous. Est-ce aussi pour des raisons esthétiques et faire pendant à l’hôtel de ville nouvellement construit, lequel s’élevait sur de multiples arcades et piliers? Nous n’en savons absolument rien.

C’est le sieur Delile sous-ingénieur des Ponts et Chaussées à Neufchâteau qui dressa les plans et devis du nouveau bâtiment.

Mais ce n’est pas avant 1764 que les travaux débutèrent non sans de nombreuses difficultés occasionnées par des contestations sans fin au sujet des corvées pour le transport des matériaux. Aucun détail technique et financier ne figure aux archives de la ville.

Quoi qu’ il en soit, l’ancien auditoire de 1599 qui, avec sa curieuse “galerie marchande” et ses grandes fenêtres à meneaux, aurait fait de nos jours un merveilleux “monument historique”, fut entièrement rasé pour faire place au bâtiment que l’on voit aujourd’hui lequel, élevé sur ses 23 arcades de pierre, n’est pas sans élégance et majesté.

En anecdote, voici un curieux procès-verbal qui se situe au début des travaux de reconstruction de l’auditoire :

“Aujourd’hui 23 avril 1764, je soussigné entrepreneur économe des ouvrages à faire pour la construction de l’auditoire de la ville de Vézelise, ai remarqué que les ouvrages commandés sont irréguliers et nullement conformes au plan et devis, que les pilastres qui doivent être espacés de 10 pieds 6 pouces intérieurement, sont l’un à 11 pieds, l’autre à 10 pieds 8 pouces, l’ autre à 10 pieds 9 et 10 pouces, de sorte que le bâtiment qui doit faire un carré parfait, se trouve irrégulier dans toutes ses parties, que d’ ailleurs les pilastres et socles ne sont nullement conformes au devis n’étant bâtis la plupart que de petits morceaux de pierre de taille, sans liaison, les lits et les joints mal faits et de fausses équerres. C’est pourquoi le soussigné a prié Messieurs les Officiers du Bailliage et de l’Hôtel de Ville, de vouloir bien se rendre sur place pour reconnaître les irrégularités et mauvaises constructions dont il s’agit. Le soussigné étant obligé de démolir le tout jusque sur la fondation pour bâtir régulièrement et solidement… (signé) F. Gourvenet”

Le bâtiment était terminé en 1765.

On profita de la reconstruction de l’auditoire pour entreprendre des réparations et des travaux de consolidation aux grenier et faux greniers au dessus des halles dans le but d’y loger les blés et les avoines provenant de la fondation du Roi Stanislas.

Ces travaux consistèrent en une modification des fenêtres hautes qui alors étaient défendues par des barreaux de fer, et surtout en un renforcement des planchers.

On aménagea également les greniers au-dessus de l’ hôtel de ville et on construisit deux lucarnes supplémentaires dans la toiture.

Enfin, l’état de l’ensemble des couvertures devait être vérifié et réparé “le tout jusques à bien”. Ce devis est daté du 22 février 1764.

Pour en terminer avec l’ auditoire, citons encore un dernier document extrait des archives municipales. C’est une requête à M. de La Galaizière, Intendant de Lorraine et du Barrois, de 1774.

“Remontrent très humblement les Officiers municipaux et de police de la ville de Vézelise,
“Qu’il n’ y jamais eu de chapelle dans l’enceinte de l’ancien bâtiment servant à l’administration de la justice au bailliage de Vézelise, que ce n’est que depuis la destruction de ce bâtiment qu’on y en a pratiqué une et que depuis trois à quatre ans, par l’entremise du Sieur Pagnot devenu Lieutenant général, qu’on y dit la messe, tandis que comme Lieutenant particulier et sous l’exercice du Sieur Huguenin, son prédécesseur, il s’y est formellement opposé.”

“Qu’il n’y a jamais eu de fourneau dans la salle d’audience, que cependant depuis deux ans en ça, il y en a un d’établi, que jusqu’à présent la dépense à faire pour la desserte de la chapelle et l’entretien du fourneau a été aux charges des officiers du Bailliage, des avocats et procureurs qui y ont contribué, les premiers par le produit des amendes qui se prononcent contre les délinquants aux réparations de l’auditoire, et par les seconds de leurs bourses…”

“Que sous prétexte de l’arrêt du Conseil d’ Etat du Roy du 29 mars 1773 qui met à la charge des villes l’entretien des bâtiments servant à l’administration de la justice, on prétend obliger les remontrants à la fourniture de tout l’ustensile servant à la chapelle; comme calice, burettes, chandeliers, linge et tous autres ornements, et peut-être encore à la fourniture du bois pour le fourneau, si vrai qu’on a déjà demandé des chandeliers…”

“Dans ces circonstances, les remontrants ont l’honneur de se retirer par devers Sa Grandeur pour la supplier de leur manifester son intention sur lesdits objets contenus en la présente requête en lui observant que la chapelle, la messe qui s’y célèbre deux fois la semaine, es jours d’ audience, et le fourneau sont des nouveautés introduites depuis trois à quatre ans et feraient une surcharge insupportable à la ville qui a à peine des revenus pour subsister à ses besoins les plus pressants, et sera justice.

Après avoir transmis la requête à M. de Féron, subdélégué, pour complément d’ information, M. de La Galaizière décidait , le 9 novembre 1774, que “les dépenses et fournitures dont il s’agit ne peuvent être au compte de la ville de Vézelise”.

La grande salle de l’auditoire, après la Révolution, devint le siège de la Justice de Paix jusqu’à la suppression de cette juridiction. Les pièces latérales ont servi de logement à l’agent de police municipal. L’une d’ elles possède une cheminée de pierre au fond de laquelle se trouve toujours une belle taque aux armes de Stanislas.

Enfin lorsque les immenses greniers publics ne servirent plus à leur destination première, ils furent transformés en salle des fêtes et de bal. Avant 1914, s’y déroulaient les distributions de prix aux écoles et l’immense local servait à la Société de Tir.

Son aspect final

Auditoire de justice de Vézelise

À partir de 1765, par conséquent, l’ensemble formé par l’HOTEL DE VILLE, les HALLES et l’AUDITOIRE avait acquis définitivement l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui et jusqu’ à nos jours, les bâtiments ont été régulièrement entretenus et ont fait l’objet de réparations souvent considérables.

En 1783 déjà, la ville demandait à 1′ Intendant de poursuivre les fermiers du domaine afin de faire rétablir à leurs frais les deux parties latérales des halles qui tombaient en ruine. Ces halles latérales s’ écroulèrent d’ ailleurs en partie au mois d’ août 1783.

Enfin beaucoup plus près de nous, lors du bombardement de Vézelise, les 15 et 18 juin 1940, les halles furent, pour ainsi dire, encadrées par les bombes et c’ est un miracle qu’ elles ne se soient pas effondrées. Le premier projectile tomba le 15 juin vers 6 h 30 et explosa rue des Halles, au niveau de la pharmacie, causant de gros dégâts à tout le bas-côté sud. Cette partie a été entièrement reconstruite.

Classé parmi les Monuments Historiques, le 30 novembre 1942, cet ensemble monumental a été, ces dernières décennies, l’objet d’ importantes restaurations.

Rappelons que, localement:

  •  l’Auditoire était appelé “le bailliage de bois” puisque l’escalier qui y mène et sa rampe sont en bois,
  • l’Hôtel de Ville était quant à lui appelé “le bailliage de fer”, la rampe de son escalier étant en fer forgé.