L’incendie de l’église de 1726

L’incendie de l’église de 1726

Près de cent ans après que la grosse tour du Château et les cinq tours de la Ville, et ses vieilles murailles eurent été démo­lies et rasées par les soldats de France, le 30 mai 1726, jour de l’ Ascension, à 2 heures du matin, la Foudre tomba sur le clocher de l’église.

Une épaisse fumée sillonnée d’étincelles et de flammes annonça le sinistre. Le sonneur fit son devoir. Aux roulements majes­tueux du tonnerre que répétaient les échos de la vallée se joignirent les sons lugubres du tocsin, appelant en hâte les habitants de la ville et les paysans des campagnes voisines.

Les braves bourgeois de Vézelise cherchèrent à concentrer les flam­mes, à empêcher qu’elles ne descendent et dévorent la flèche : l’honneur, l’orgueil de la Cité. Mais il fut impossible de sauver le sommet et il y eut 25 pieds de charpente brûlés. Les archives ajoutent que ce ne fut qu’avec du lait pris tant à Vézelise qu’aux envi­rons qu’on parvint à l’éteindre.

À la pointe du clocher, le fameux couvreur de Vézelise Jean Hacquin, couché sur une échelle que soutenaient son fils Jacques et quelques hommes déterminés, dirigeait d’une main mal assurée le sauvetage de la flèche. Sa position était des plus critiques en face de cette flamme ardente au milieu des étincelles qui tourbillonnaient autour de lui, de la fumée qui l’environnait et l’aveuglait, et du plomb fondu qui ruisselait comme une nappe de feu. Cependant sa persévérance infatigable et celle de ses courageux auxiliaires fut couronnée de succès. La croix métalli­que tomba, son poids l’enfonça profondément dans le pavé de la place de l’Eglise, les poutres fumantes couvrirent le pavé, les ardoises volè­rent mais, grâce au dévouement des deux Hacquin et des bourgeois, l’incendie fut éteint et, sauf une amputation réparable, la flèche fut sauvée.

photomontage de l'église de vézelise en feu en 1726
photomontage de l'église de vézelise en feu en 1726

Voici les procès-verbaux des archives où Jacques et Jean Hacquin, les ardoisiers couvreurs déjà nommés, mentionnent aussi avec éloge Jean Le Lièvre, pour son courage à lutter contre l’incendie.

“Ce jour d’huy, trente et unième May, mil sept cent vingt-six, en l’as­semblée extraordinaire de police de Vézelise, cinq heures de relevée,… Le feu du Ciel étant tombé le jour d’hier sur les deux heures un quard du matin sur la partye supérieure de la flèche de l’Eglise paroissiale de ce Lieu, pièce autant admirable dans sa structure que rare dans son es­pèce, il y fit des brèches très-considérables, causa une alarme univer­selle dans toute la ville. Les ouvriers, quoyque commandés, ne pouvaient y apporter aucun secours, ni arrêter le progrès de ce même feu, sans un danger évident de perdre leurs vies, tant par rapport à l’obscurité de la nuit qu’à la hauteur de la flèche et au plomb, qui, se fondant, cou­lait de toute part. La ruine de cette mesme flèche causait l’embrasement général de toute la ville. Trois à quatre ouvriers (Les Hacquin père et fils et Jean Le Lièvre) soutenus de plusieurs bourgeois et ayant posé leur eschelle et estant monté à l’endroit où estait ce même feu, à force de vin et laict tant de la ville que de la campagne, il fut estaint sur les cinq à six heures de tout quoy, nous prenant acte, avoir dressé le pré­sent procès-verbal et, de suitte, avons fait inviter les notables bour­geois de cette ville pour délibérer sur ce qui serait le plus expédient de faire, dans le cas présent,

Scavoir

1° Si on rétablira la flèche sur la même hauteur quelle est, ou si on la coupera à l’endroit que le feu a consommé (sic).

2° Quelle récompense on peut donner aux ouvriers qui l’ont secourus (sic).

3° De quels deniers et comment se pourra restablir cette mesme flè­che, et s’il ne serait pas nécessaire de se pourvoir aux Grâces de Son Altesse Royale, au sujet des deniers patrimoniaux et d’octroye qu’elle s’est réservée. (A l’époque, Vézelise avait un octroi affermé environ 10.000 livres) pour lui en demander l’abandonnement.

4° S’il ne serait pas trouvé à propos de faire une procession à Notre-Dame de Sion pour remercier Dieu de ce qu’on a été préservé de l’in­cendie dont on était menacé.

 

Oüy le Procureur Syndicq,

L’affaire mise en délibération a été accepté sur le premier article.

Oüy les ouvriers qu’il est nécessaire absolument de rétablir la flèche sur la même hauteur qu’elle est aujourd’hy.

Sur le seconds que les Hacquin père et fils et Jean Le Lièvre ayant exposé leurs vies pour le bien publicq, et empesché l’embrasement gé­néral de la ville, très-humbles remonstrances seront faites à Son Altesse Royale, pour obtenir d’Elle la franchise et l’exemption en leurs faveurs (sic) pendant leurs vies naturelles durantes.

(Franchise et exemption des impôts et charges communes).

Sur le troisième que très humbles remonstrances seront réitérées à Son Altesse Royale pour obtenir de ses Grâces la totalité des deniers patrimoniaux et octroys de cette ville pendant tout le temps qu’elle se les a réservés.

Sur le quatrième, que procession solennelle sera faite à Notre Dame de Sion pour implorer la miséricorde de Dieu par son intercession et le remercier de nous avoir préservé d’un prochain embrasement dont nous estions menacés, à l’effet de quoy le Révérends Pères Minimes et Capu­cins seront invités de s’y trouver et les Bourgeois en corps mandés, à quatre heures du matin.

Suivent les signatures du Procureur Syndicq, de Monsieur le Prévot et autres dignitaires et notables de la ville, MM. Poinsignon, Guérin, Lachasse , Vinchel, Laurent, Frémy.. – etc…”

Les Ediles et les Notables de Vézelise, en l’an de grâce 1726 n’attendirent pas au surlendemain pour s’occuper de réparer ce désastre.

Ils se mirent à l’œuvre immédiatement, et cette fois, le firent avec d’autant plus de zèle qu’ils tenaient à restaurer dignement cette flèche, dont ils étaient justement fiers : pièce autant admirable en sa structure que rare en son espèce.

Son Altesse Royale, en 1726, était le Bon Duc Léopold, si longtemps regretté des Lorrains, lui qui disait « Je quitterais demain ma souve­raineté, si je ne pouvais faire du bien ». Sa générosité était proverbiale et son règne fut une ère de réparation et de bonheur pour le pays, après les grandes misères du règne de Charles IV.

Son Altesse exauça donc la supplique des Bourgeois de Vézelise au sujet des deniers patrimoniaux et d’octroy.

Elle accorda pareillement franchise et exemption aux ouvriers cou­vreurs (les deux Hacquin et Jean Le Lièvre) qui avaient héroïquement combattu l’incendie.

De leur côté les Bourgeois se montrèrent généreux et s’imposèrent pour la somme de trois mille francs.

Les Hacquin et Jean Le Lièvre reconnaissants de la faveur à eux ac­cordée voulurent se charger aux conditions les plus avantageuses pour la ville de la restauration des charpentes et ardoises du clocher et des toitures de l’église endommagée.. . et Vézelise vit bientôt sa superbe flèche, grâce aux habiles et dévoués ardoisiers couvreurs, s’élever triom­phante au-dessus de l’antique cité.

Sources

Quelques pages de l’histoire de Vézelise, regroupement d’article de P. MANSUY, Curé de Vézelise de 1899 à 1915